Historique - Développer l’Association

Exécutif no 38 - Rio de Janeiro (1978)

Le développement purement organisationnel de l’AISP a deux dimensions. Le premier volet est interne : il s’agit de mettre en place un organigramme et des structures permettant un fonctionnement équilibré et efficace de l’Association. Le second volet est externe : il est nécessaire pour la nouvelle organisation de travailler à sa reconnaissance par d’autres organismes afin d’asseoir sa légitimité.

2.1. Mettre en place les structures de l’association

« Je considère qu’actuellement la tâche la plus
importante du secrétariat est de faciliter la
constitution d’associations nationales. L’AISP
ne deviendra véritablement une réalité solide et
vivante que dans la mesure où elle représente
véritablement une fédération d’associations
nationales, elles-mêmes en pleine vitalité. »

Jean Meynaud
secrétaire exécutif de l’AISP,
16 mars 1950.

 

La conférence de 1949 fixe, à travers les premiers statuts, les attributions des organes fondamentaux de l’AISP que sont le Conseil et le Comité Exécutif. Ces structures sont, pour une association, des plus classiques : le Conseil est l’assemblée générale de l’AISP, et le Comité Exécutif, élu pour trois ans par le Conseil, est son conseil d’administration. Statutairement, il revient au Comité Exécutif de désigner le trésorier et le secrétaire executive de l’Association, tandis qu’il relève des attributions du Conseil de designer le président. Soixante années de pratique ont toutefois apporté quelques modifications à ces dispositifs ordinaires : la désignation du président a ainsi pris systématiquement la forme d’une validation de la proposition du Comité Exécutif, qui lui-même a, au cours des dernières années, souvent mis en avant le nom du premier vice-président sortant. Cette fonction de vice-président constitue, au demeurant, la seule réelle curiosité institutionnelle de l’AISP, notamment par le flou qui l’entoure : entre nombre variable, procédures de désignation changeantes et attributions mal définies, elle a fait l’objet de plusieurs discussions et révisions statutaires. Elle a même, parfois, été l’objet de controverses et de tensions, comme lorsque James Pollock, président de l’AISP de 1955 à 1958, conteste aux vice-présidents toutes prérogatives supérieures à celles d’autres membres du Comité Exécutif.

S’il est particulièrement problématique et récurrent dans le cas des viceprésidents, le débat sur les attributions, les procédures d’élection et la composition touche aussi les autres organes de l’AISP. À la base de ces débats se trouve toujours, de manière plus ou moins explicite, la question de la structure du membership de l’Association. Si un consensus se dégage en effet dès 1949 pour l’admission de trois catégories de membres – collectifs, individuels et associés – les modalités d’admission et le poids respectif de ces trois ensembles dans la structure décisionnelle de l’AISP est loin d’aller de soi. Ce ne sont pas véritablement les membres associés qui posent problème: cette question est aisément réglée, dans la mesure où cette catégorie – de laquelle relèvent tous les groupements «poursuivant des buts compatibles avec ceux de l’Association dans des domaines d’activité connexes» – n’est pas représentée au Conseil et ne s’inscrit donc pas dans des enjeux de pouvoir. Le problème des membres collectifs et individuels s’avère, en revanche, plus délicat.

Il est clair dès les origines que l’AISP a vocation à constituer une fédération d’associations nationales et que, à ce titre, les membres collectifs doivent avoir un poids prépondérant dans sa structure. Mais cette posture de principe se heurte à la réalité de la science politique de 1949 : le fait que seules quatre associations nationales comptent parmi les membres fondateurs de l’AISP rend incontournable non seulement l’admission, mais aussi l’attribution d’un certain poids dans les décisions à des membres individuels.

C’est d’abord l’ampleur de ce poids qui pose problème: combien de sièges au Conseil attribuer aux membres individuels, notamment au regard du nombre alloué aux membres collectifs ? A cette question, les participants à la conférence de 1949 répondent par deux compromis : en autorisant, d’une part, une représentation importante des membres individuels au Conseil, sous réserve toutefois que leur poids n’excède pas celui des représentants des membres collectifs12 ; et en reportant, d’autre part, la constitution du Conseil de l’Association à une date ultérieure à laquelle le membership serait estimé suffisant.

Au-delà de la question du poids décisionnel, il s’agit aussi de fixer les critères d’admission des membres : comment distinguer, dans le contexte de perméabilité disciplinaire déjà évoqué, les candidatures individuelles ou collectives qui relèvent bel et bien de « la science politique» ? Difficulté première à laquelle s’ajoutent des problèmes propres à chaque catégorie de membres : que faire si deux associations situées dans un même pays sollicitent le membership ? Que faire lorsqu’un individu refusé par son association nationale souhaite intégrer l’AISP ? Là encore, la solution adoptée par les participants est marquée par la souplesse et le compromis. Ils sont en effet divisés : chez certains, il y a une réelle appréhension à se lancer dans la définition des caractéristiques du bona fide political scientist, car l’entreprise impliquerait inévitablement de s’engager sur le terrain mouvant d’une définition de la science politique – sur lequel on ne s’est jusqu’à présent, on l’a vu, engagé qu’avec extrême précaution. Chez d’autres transparaît une crainte de voir l’absence de critères déboucher sur la politisation de l’Association : par exemple, pour le futur premier président de l’AISP Quincy Wright, « il importe à tout prix de ne pas éliminer un candidat sérieux sous prétexte qu’il appartient à tel ou tel groupe idéologique ». Au termes des débats, la compétence d’examen des candidatures est donc sans conviction déléguée au Comité Exécutif, sans autre directive que de mettre tout en oeuvre pour ne pas admettre plus d’un membre collectif par pays, par crainte de surreprésentation de certaines régions au Conseil. Les articles 7 et 8 des statuts incitent ainsi au regroupement des associations d’un même pays, sans toutefois en faire un dispositif contraignant :

« les membres collectifs sont les associations nationales (ou régionales) considérées comme étant les plus représentatives de la science politique dans leur pays respectif (ou région).

Il n’y a en règle générale qu’un membre collectif par pays mais si, dans un pays donné, deux ou plusieurs groupes susceptibles de devenir membres collectifs coexistent, le Comité Exécutif peut rechercher la constitution d’une commission commune, à laquelle il peut accorder la qualité de membre collectif. Il peut toutefois admettre au titre de membre collectif deux ou plusieurs de ces groupes».

Ces précautions originelles vont rendre nécessaires des ajustements ultérieurs, et les dispositions relatives à l’admission et à la représentation des membres vont ainsi faire plusieurs fois objet de discussions voire de révisions. Les débats sur les frontières de la science politique, la notion floue de bona fide political scientist ou les relations de l’AISP au champ politique reviennent par exemple de manière récurrente lorsque le Comité Exécutif se retrouve confronté à des candidatures épineuses – on pense notamment aux cas des associations allemande et soviétique, sur lesquels on reviendra plus loin. La question de la composition du Conseil est également rediscutée de manière régulière : d’abord en 1952, lorsque le Conseil est finalement constitué et la décision prise d’y représenter les membres collectifs par un à trois politistes par pays – le maximum de trois représentants n’étant alors octroyé qu’aux associations britannique, française et américaine ; puis dans les années 1970, lorsque le poids croissant des Comités de Recherche dans l’orientation scientifique de l’AISP justifie qu’on leur octroie une représentation au Conseil. Citons aussi le débat récurrent sur le nombre approprié de membres du Comité Exécutif, qui permette un compromis entre représentation géographique – « l’intérêt de la science politique se [trouve] dans son expansion régionale toujours plus poussée où le Comité Exécutif doit exercer un rôle très actif. Quoi de plus naturel dès lors que le Conseil veille à y faire siéger des membres des pays socialistes, d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie, à côté de représentants des pays occidentaux »13 – et coût des réunions du Comité, d’autant plus important que ses membres sont géographiquement dispersés.

Hormis ces ajustements ponctuels, la structure décisionnelle de l’AISP reste remarquablement stable au cours de ses soixante années d’existence. Mais si cette structure politique ne connaît guère de changement notable, une véritable évolution est bel et bien visible dans l’administration de l’Association : de François Goguel (1949-1950) à Guy Lachapelle (2000-…), l’AISP a évolué d’une gestion personnelle à une organisation collective, incomparable dans ses moyens logistiques et financiers. Ce bouleversement majeur mérite que l’on s’y attarde.

Pour les premiers secrétaires exécutifs, la tâche est loin d’être aisée. Jusqu’à la fin des années 1960, le bon fonctionnement de l’AISP repose en effet largement sur les épaules d’un seul homme. François Goguel (Fondation Nationale des Sciences Politiques (FNSP), Paris, 1949-1950), Jean Meynaud (FNSP, Paris, 1950-1955), John Goormaghtigh (Dotation Carnegie, Genève, 1955-1960) et Serge Hurtig (FNSP, Paris, 1960-1967) cumulent ainsi les fonctions de secrétaire général et de trésorier, dont la lourdeur est souvent soulignée par les intéressés parfois avec humour, comme par Jean Meynaud – «Le Secrétariat de l’IPSA (terme un peu pompeux pour désigner une seule personne qui doit assurer tout le secrétariat courant, y compris le courrier et le classement) travaille actuellement au plein pour le Congrès de La Haye»14– ou avec plus d’amertume, comme par John Goormaghtigh – «last year I wrote over 1400 letters for IPSA, not mentioning circular letters and mimeographed documents. This alone would be nothing if one could count on people replying to correspondence»15 . Plaintes compréhensibles, si l’on considère que ces politistes ne sont employés par l’AISP qu’à temps partiel, et exercent parallèlement d’autres activités d’enseignement ou de secrétariat pour des institutions comparables telles la Dotation Carnegie (Goormaghtigh) ou la Fondation Nationale des Sciences Politiques (FNSP) (Meynaud). Cette concentration de l’administration a du coup pour conséquence de lier les facilités logistiques de l’AISP à la position de son secrétaire exécutif dans son institution d’origine. À titre d’illustration, Jean Meynaud utilise par exemple sa secrétaire à la Fondation pour le travail de l’Association, et le papier à lettre de la FNSP pour sa correspondance AISP.

Au-delà des aspects purement logistiques, la limitation du secrétariat à une personne a aussi des effets symboliques : elle alourdit la charge du secrétaire exécutif en le consacrant comme véritable incarnation de l’AISP et comme mémoire de l’institution. Ce phénomène est en partie liée à la longévité des secrétaires généraux qui, mis à part le cas particulier de François Goguel, restent en poste pour un minimum de cinq ans (Jean Meynaud, John Goormaghtigh) et un maximum de douze ans (John Trent), durées bien plus longues que le mandat du président de l’AISP (trois ans). D’autant que l’implication de ces politistes dans l’AISP ne se cantonne pas à leurs périodes de secrétariat : Jean Meynaud a ainsi fait partie du Comité Exécutif de 1955 à 1958, John Goormaghtigh s’est impliqué dès le départ en comptant parmi les membres fondateurs de l’AISP, John Trent a pris la présidence du Comité de Recherche 33 et s’est investi dans l’organisation du Congrès mondial de Québec en 2000, etc. Mais c’est surtout Serge Hurtig qui, à cet égard, impressionne : déjà présent dans les activités de l’AISP au milieu des années 1950, il a ajouté à ses sept ans de secrétariat général six ans de vice-présidence du Comité Exécutif (1979-1985), l’organisation des deux Congrès mondiaux parisiens de l’AISP (1961 et 1985), et quarante-cinq années (1963-2009) à la tête des International Political Science Abstracts, publication emblématique de l’Association. Serge Hurtig, secrétaire général de l’AISP 1960-1967, lors du Congrès de Paris – 1961

Ce poids symbolique est aussi dû au rôle capital joué par le secrétariat dans le développement historique de l’Association. Comme l’illustre l’extrait de la lettre de Jean Meynaud qui introduit ce chapitre, c’est en effet le secrétaire exécutif qui, à travers une multitude de courriers envoyés aux quatre coins du monde à la recherche d’« Association [ s ] nationale[s] ou simplement [de] groupement[s] représentatif[s] des spécialistes de la science politique»16 , joue un rôle proactif dans le développement de la science politique internationale. La présence d’une mer voire d’un océan entre le président de l’AISP et le secrétariat au cours des neuf premières années d’existence de l’Association conduit de plus le secrétaire exécutif à ne consulter son président qu’au sujet de décisions particulièrement sensibles ou politiques, et à étendre de facto ses propres prérogatives.

Évolution de Participation, le bulletin de l'AISP Ce n’est qu’à partir de la fin des années 1960 que le secrétaire exécutif va commencer à disposer de moyens supplémentaires pour mener à bien ses missions. André Philippart (Université Libre de Bruxelles, 1967-1976), John Trent (Université d’Ottawa, 1976-1988), Francesco Kjellberg (Université d’Oslo, 1988- 1994), John Coakley (University College, Dublin, 1994-2000) et Guy Lachapelle (Université Concordia, Montréal, 2000-…), qui portent désormais le titre de secrétaires généraux, sont ainsi assistés, à partir de 1962, d’un administrateur à plein temps, fonction occupée successivement par Michèle David (1962-1967), Michèle Scohy (1967-1976), Liette Boucher (1976-1988), Lise Fog (1988-1994), Louise Delaney (1994-1998), Margaret Brindley (1998-2000), Christian Gohel (2001-2003), Stéphane Paquin (2003-2004), Aubert Descôteaux (2004-2007) et Andrea Cestaro (2007-2009). A partir de 2001 et du secrétariat de Guy Lachapelle, c’est une réelle équipe qui prend en charge la gestion d’une Association dont le nombre de membres et l’ampleur des activités – organisation des Congrès, Symposiums et Tables Rondes, gestion de site internet, édition de Participation (lettre d’information de l’AISP), etc. – ne peuvent désormais plus être portés par un tandem. Cette évolution décisive est notamment rendue possible par le soutien de Montréal International, un organisme issu d’un partenariat public-privé dont l’un des objectifs est d’accroître le rayonnement international de la ville de Montréal en y attirant notamment des organisations internationales.17

   

Ce n’est donc que récemment que le secrétariat a acquis les effectifs et ressources logistiques nécessaires pour assumer les multiples prérogatives qui lui sont, dès l’origine, revenues. Couplé à un fonctionnement du Conseil et du Comité Exécutif efficace et routinisé, et à un contact présidence – secrétariat facilité par le développement des transports et des télécommunications, ces progrès permettent aujourd’hui à l’AISP de réunir tous les ingrédients internes d’une organisation scientifique en ordre de marche. À ces progrès s’ajoutent de plus des évolutions dans les relations externes de l’AISP, qui contribuent à la transformation de ses missions.

 

 

2.2. Assurer la reconnaissance de l’Association à l’extérieur

 

« Le nouveau budget du département des sciences
sociales [de l’Unesco] semble orienté beaucoup
plus directement vers l’aide technique aux États.
[…] Force est de constater au surplus que les
sujets retenus par le département des sciences
sociales s’apparentent beaucoup plus aux
disciplines socio-psychologiques qu’aux études
traditionnelles de science politique, de droit et
d’économie. Une fois de plus, nous vérifions les
conséquences graves du fait qu’aucun political
scientist, qu’aucun économiste digne de ce nom
ne figure dans le staff du département, qui est
entièrement dominé par des personnages à tendance
sociologique […] pour ne pas parler des
ignorants intégraux […]. »

Jean Meynaud
secrétaire exécutif de l’AISP,
20 juillet 1954

 

Parmi tous les organismes avec lesquels l’AISP est amenée à coopérer, l’Unesco a, logiquement, un statut particulier. Institution mère de l’Association, elle est autant une ressource qu’un facteur de tensions. Au chapitre des ressources, elle est, d’abord et avant tout, une source de financements. C’est ainsi elle qui prend en charge la venue de politistes de plusieurs pays aux réunions de 1948 et 1949, qu’elle a du reste impulsées. C’est aussi elle qui fournit à l’AISP – via le Conseil International des Sciences Sociales, sur lequel on reviendra – l’essentiel de son budget pour ses premières années de fonctionnement. Mais si ces apports financiers sont certes motifs de satisfactions pour le Comité Exécutif de l’Association, ils génèrent aussi quelques craintes quant à l’indépendance de chercheurs largement financés par un organisme à visée politique. Craintes très tôt exprimées par Raymond Aron lorsqu’il « indique, en y insistant très vivement, [que l’AISP] ne doit pas constituer un organisme dépendant de l’Unesco mais une Association autonome qui bénéficierait simplement du patronage de cet organisme »18 . L’Unesco, d’ailleurs, ne s’y trompe pas lorsqu’elle affirme, par la voix de son Directeur Général Jaime Torres Bodet, que « la création d’Associations comme celle que vous envisagez de créer a paru à l’Unesco le meilleur moyen d’aider les savants à travailler en commun sans leur imposer de cadres trop étroits » 19

Jean Meynaud, secrétaire exécutif de l’AISP, 1950-1955, lors du second Congrès mondial de l’AISP à La Haye – 1952Cette dichotomie aide financière / craintes d’emprise va pendant longtemps placer les relations Unesco – AISP dans une tension sous-jacente que traduisent les commentaires agacés de Jean Meynaud à Marcel Bridel le 4 février 1952 : « je comprends parfaitement votre sentiment devant les méthodes de travail de l’Unesco. Je le partage personnellement et probablement de façon encore plus vive. Le plus terrible avec cette maison est l’incertitude du résultat final.

[…] Tout cela est évidemment décevant et au total passablement fatigant. On perd en démarches et en coups de téléphone un temps qui serait tellement mieux employé à des travaux plus substantiels ».

Dès les origines, parvenir à l’indépendance financière fait donc figure d’objectif prioritaires pour les Comités et secrétaires exécutifs : « je ne veux pas qu’une association qui doit à tout point de vue demeurer vraiment internationale soit tributaire uniquement d’une seule source de financement. C’est pourquoi je m’efforce d’élargir autant que possible notre assiette financière » 20 La tâche n’est cependant pas aisée car, contrairement à d’autres organisations académiques comme le European Consortium for Political Research (ECPR), l’AISP ne dispose pas d’un membership aux capacités financières suffisantes pour soutenir à lui seul son développement. Hormis l’American Political Science Association, les associations nationales, membres collectifs de l’AISP, n’ont en effet que des fonds limités par leurs effectifs trop restreints – au point qu’en 1976, un fond de péréquation est établi pour aider les plus démunis d’entre eux. Les tentatives alternatives de financement par les grandes fondations américaines n’ayant débouché, malgré quelques succès ponctuels auprès de Ford, Volkswagen et Rockefeller, sur aucun grant de long terme, l’AISP doit ainsi longtemps composer avec des difficultés budgétaires structurelles. Ces problèmes ont à plusieurs reprises des conséquences directes sur l’activité de l’Association. Il est ainsi, dans les années 1950, rarement possible de réunir l’ensemble du Comité Exécutif, les frais de déplacement des non-européens étant trop onéreux. A la fin de 1952, la situation est tendue au point de conduire Jean Meynaud à suspendre son traitement. En 1963, compte tenu des coûts élevés d’organisation du Congrès de 1964, Serge Hurtig suggère de ne pas prendre en charge les frais de voyage des membres du Comité Exécutif, par souci d’économie – problème finalement réglé par un relèvement des droits d’inscription. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, les Congrès audacieux de Moscou et de Rio de Janeiro creusent durablement le déficit de l’AISP. Ce n’est qu’à partir du début des années 1990, lorsqu’un Comittee on financial structure est nommé au sein du Comité Exécutif, que l’Association cesse de fonctionner sur la base d’un déficit ponctuellement comblé. Cette stabilité enfin trouvée est liée à la viabilité financière de plus en plus importante des activités de l’Association : les International Political Science Abstracts et la Revue Internationale de Science Politique (RISP) sont excédentaires, certains des Congrès mondiaux des années 1990 et 2000 sont soutenus par des sponsors conséquents, et le secrétariat bénéficie du partenariat de Montréal International. Il était d’ailleurs grand temps que l’Association parvienne à cette forme de stabilité, compte tenu d’un changement de philosophie dans la politique de l’Unesco vis-à-vis des associations internationales : d’un système de dotation annuelle permanente, le système a évolué, à partir de 1995, vers un dispositif de financement sur la base de projets ponctuels.

Cette viabilité financière acquise de haute lutte vient donc s’ajouter à une structure administrative et politique stabilisée pour former l’image d’une Association à l’assise organisationnelle pérenne. L’AISP dispose ainsi aujourd’hui des moyens institutionnels nécessaires à la bonne conduite de ses multiples missions. Ce développement décisif, que l’on a considéré ici de manière isolée, est évidemment indissociable d’évolutions sur les plans scientifique et géographique, sur lesquelles on va à présent revenir.

 

Notes

  1. L’article 11-b des statuts précise ainsi que le Conseil est composé de représentants des membres collectifs et de « membres individuels de l’Association choisis par le Comité Exécutif et ressortissants de pays ou régions ne possédant pas de membres collectifs, sans toutefois que le nombre de ces membres individuels puisse dépasser le total des représentants des membres collectifs au sein du Conseil » (ibid.).
  2. AISP, « Réunion du conseil – Montréal 19, 23, 24 août 1973 ».
  3. Lettre de Jean Meynaud à William A. Robson, 11 février 1952.
  4. Lettre de John Goormaghtigh à James Pollock, 8 janvier 1958.
  5. Lettres de Jean Meynaud à de multiples destinataires, mars – mai 1950.
  6. Montréal International a pour mission principale de contribuer au développement économique du Grand Montréal et d’accroître son rayonnement international. Cet objectif général se décline en cinq mandats : augmenter l'investissement direct étranger, faciliter l'établissement de la main-d'œuvre étrangère stratégique, soutenir le développement de l'innovation, accélérer le développement des grappes de compétition et accroître la présence d'organisations internationales. C’est ce dernier mandat qui a conduit au soutien de l’implantation de l’AISP à Montréal. Mais l’Association n’est pas la seule à avoir bénéficié de ce soutien, et elle a maintenant la chance d’évoluer dans le même environnement que quelques soixante organisations internationales, dont les prestigieux Institut de Coopération pour l’Éducation des Adultes (ICEA), Organisation de l’Aviation  Civile  Internationale  (OACI),  Agence  Mondiale Antidopage (AMA), etc.
  7. Association Française de Science Politique, « Réunion d’information relative à la constitution d’une association française de science politique », Paris, 6 novembre 1948.
  8. Unesco, « Conférence internationale de science politique. Procès-verbal de la première séance tenue le lundi 12 septembre à 11h à la Maison de l’Unesco, 19 avenue Kléber, Paris 16 e », Paris, Unesco, 25 octobre 1949.
  9. Lettre de John Goormaghtigh à Kazimierz Szczerba-Likiernik, 23 décembre 1955.