Historique - Conclusion

VIIe Congrès mondial de l'AISP, Bruxelles, Belgique, 18-23 septembre 1967. Parmi les participants: 1- Georges Lavau 2- Daniel Norman Chester 3- Jacques Chapsal 4- Serge Hurtig 5- André Philippart

 

« Quelle évolution suivra la science politique
à mesure que notre association étendra son
influence à des associations crées dans toutes
les régions du monde ? Je ne saurais le dire. »

Quincy Wright
premier président de l’AISP, dans son
discours d’ouverture du Congrès de Zürich,
4 septembre 1950

 

Conclure  ce  tableau  partiel  et  partial  de  l’histoire  de  l’Association Internationale de Science Politique n’est pas chose aisée. On attendrait,  idéalement,  un  bilan  tranché  et  des  perspectives  d’avenir claires. Mais on ne peut, au mieux, que poser quelques conclusions et conjectures subjectives.

Au chapitre du bilan, il serait pour le moins abusif de conclure à l’accomplissement  par  l’AISP  des  objectifs  que  lui  avait,  dès  l’origine,  fixé l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture. Au côté d’autres associations internationales, elle était chargée de diminuer les  tensions  internationales,  améliorer  le  fonctionnement  des  institutions politiques  et  faire  prospérer  la  civilisation.  Mais  si  l’Association  a,  à  son échelle, contribué à créer du dialogue entre politistes de différentes nationalités  par-delà  les  frontières  politiques,  on  a  peine  à  lui  reconnaître  une responsabilité dans des événements géopolitiques tels le dégel de la Guerre Froide.

Programme du XVIII e Congrès mondial, Ville de Québec, Québec – 1-5 août 2000L’AISP a en revanche indéniablement inscrit ses activités dans l’optique de son  objectif  statutaire  de  « promouvoir  la  science  politique  à  travers  le monde ».  Et  c’est  surtout  sur  la  base  de  sa  consolidation  institutionnelle progressive qu’elle a pu évoluer vers la concrétisation de cet objectif. Sur le plan organisationnel, l’AISP a en effet su se doter dès les origines de structures  politiques  stables  dont  elle  a  adapté  le  fonctionnement  en  fonction des époques. Elle est également parvenue à développer une assise administrative  capable  de  supporter  la  diversification  des  activités  de l’Association.  Le  résultat  de  ces  évolutions  est  une  organisation  à  la  fois suffisamment  souple  pour  innover  dans  ses  activités,  et  suffisamment solide pour mener à bien ces initiatives.

Ce sont la multiplicité et la variété de ces dispositifs qui témoignent de la contribution apportée par l’Association au développement intellectuel de la  discipline.  Congrès,  Tables  Rondes,  Symposiums,  Revue,  Abstracts  et ouvrages sont autant de contributions qui ont, chacune à leur manière et sans que l’on puisse évaluer leur impact de manière plus précise, contribué à forger le paysage intellectuel de la science politique tel que l’on le connaît aujourd’hui.

Mais la contribution la plus importante de l’AISP à l’évolution de la discipline se situe sans doute sur le plan social plutôt que purement intellectuel : s’il existe une communauté internationale de politistes au sens mertonien, l’AISP a sans aucun doute appuyé sa construction. Elle n’est, certes, pas la seule   dans   ce   cas   –   le   European   Consortium   for   Political   Research, l’International  Studies  Associations  voire  même  l’American  Political  Science Association  ont  toutes  contribué  à rassembler  des  politistes  des  quatre coins du monde en nombres impressionnants  –  et  il  est  difficile  d’attribuer le développement de réseaux de recherche transnationaux à telle ou telle  structure  institutionnelle.  Mais les succès accumulés lors de ces soixante  premières  années  d’existence sont  autant  de  pierres  apportées  à l’édifice commun à toutes ces organisations.  Ces  contributions  sont  parfois    passées    par    des    décisions ponctuelles  audacieuses,  notamment lorsqu’il  s’est  agi  de  créer  des  ponts entre  Ouest  et  Est  dans  une  année pourtant  marquée  par  un  regain  de tensions  politiques  entre  Moscou  et Washington, ou encore quand la décision a été prise de faire fi des considérations financières pour tenir à Rio de Janeiro  ou  à  Durban  des  Congrès  « passerelles »  entre  Nord  et  Sud.  Mais elles sont, aussi, le fruit d’un programme et de dynamiques de plus long terme. L’effort a ainsi porté, d’abord et avant tout, sur le membership :  à travers  un  démarchage  actif  et  constant,  l’Association  est  ainsi  parvenue  à intégrer suffisamment de membres collectifs pour prétendre à une certaine universalité de sa couverture géographique. Avec ses International Political Science Abstracts, elle a adopté une formule originale de diffusion de la connaissance produite par la discipline au-delà des barrières linguistiques. Au moyen du dispositif des Comités de Recherche, elle a appuyé sur les plans logistiques et financiers la constitution et la pérennisation de groupes de recherche  multinationaux.  Avec  ses  Congrès,  Tables  Rondes  et  Symposiums, elle a offert des opportunités de rencontres internationales régulières.Programme du XX e Congrès mondial, Fukuoka, Japon – 9-13 juillet 2006

Quant  aux  perspectives  d’avenir,  on  ne  peut  guère  qu’esquisser  les  défis que l’AISP doit encore relever en collaboration avec les autres associations de science politique, qu’elles soient nationales ou internationales. Malgré les succès, certaines des questions identifiées il y a soixante ans sont en effet encore d’actualité aujourd’hui. Il en va ainsi des questions de méthode et d’enseignement, déjà listées comme prioritaires à la fin des années 1940 : dans un contexte  de  croissance  exponentielle des   approches   méthodologiques et théoriques et de renouveau des méthodes  pédagogiques  traditionnelles,  le maintien  d’un  dialogue  entre  les  différentes écoles qui font la science politique  est  peut-être  plus  que  jamais nécessaire. De même, la mission statutaire de promotion de la discipline sur les  cinq  continents  n’est  pas  achevée : trop  de  pays,  dont  la  grande  Chine, sont  encore  en  dehors  du  giron  de l’AISP.  Pour  les  intégrer,  l’Association devra  sans  doute  jouer  de  ce  qui  est devenu  sa  marque  de  fabrique : associer  à  ses  traditions  et  à  ses  solides bases institutionnelles quelques « coups » politiques audacieux.
 

 Répartition des membres de l'AISP par continents et genres - Mai 2009